Addendum suite à l’entretien

« [A propos de ma formation] j’ai eu dans mes débuts une classe de CP et c’est avec Monique Genton que j’ai appris à travailler. Une étape essentielle. Elle travaillait en pédagogie Freinet puis en pédagogie institutionnelle et pratiquait avec beaucoup de réflexion et de rigueur la méthode naturelle en lecture. Elle avait une classe de CP dans la même école et elle m’a accompagnée pas à pas dans ma pratique : chaque semaine nous nous retrouvions pour préparer la semaine suivante, je lui empruntais beaucoup mais elle savait accueillir mes idées et nous avons aussi construit ensemble avec quelques autres collègues sur place ensuite. J’ai pu vivre une ou deux journées entières dans sa classe. Je me tournais vers elle lorsque je manquais de repères pour évaluer l’avancée de certains élèves en lecture (crucial au CP !). J’ai donc appris à repérer les progrès, finalement à évaluer au plus près de chaque enfant. Jamais aucune des évaluations officielles imposées ne m’ont apporté quoique ce soit par la suite et, si je n’avais eu que celles-ci, je n’aurais rien vu ni pu aider les élèves à progresser.
Les visites de classe sont irremplaçables, lorsque j’ai eu une classe unique maternelle c’est dans celle d’Isabelle Verger, elle aussi membre du groupe PI, que j’ai puisé. Un autre temps fort de ma formation. L’organisation de sa classe, le ton, l’ambiance et là encore le partage d’outils, les nombreux échanges qui ont suivi ont beaucoup compté.
Il y a eu, toujours, l’école de Javrezac, celle de Guy et Josette Girard, comme une évidence et un modèle, avec sa présence essentielle au sein du groupe charentais.
Enfin bien sûr je me suis formée en permanence dans et grâce au groupe PI, un lieu de formation et de soutien tout du long, fait d’échanges à tous niveaux, outils, pratiques au plus près de la réalité de chacun par les récits, monographies, ses groupes de paroles, cette incitation à lire, à écrire… Et ses liens établis avec d’autres groupes lors de rencontres nationales. C’est là que j’ai côtoyé les « noms » de la pédagogie institutionnelle.

Concernant la fin de Javrezac avec l’exemple de cette élève aux comportements opposants et très perturbateurs, aux postures d’adolescente rebelle, j’ai éprouvé de la satisfaction à les voir s’apaiser, un grand plaisir à la voir occuper pleinement une toute autre place, et le sentiment réaffirmé (elle n’a pas été la seule à quasiment se métamorphoser) de faire les meilleurs choix éducatifs et pédagogiques. Mais lorsque lui ont été retirées ses responsabilités en tant que tuteur de plus fragiles, au prétexte que ces responsabilités revenaient aux adultes, tout le sens de son implication a été détruit. Les raisons de faire des efforts, de s’engager auprès d’autrui, les émotions ressenties sont les mêmes pour tous dans un collectif de vie et de travail, enfants comme adultes.
Lorsque les enfants les plus fragiles ont été privés de la place qu’ils occupaient, ils ont (sur les temps dont la municipalité s’était emparée mais non en classe au grand dam de l’inspectrice inspectant), instantanément renoué avec les difficultés qui les avaient amenés à Javrezac. En boucle de la part de la municipalité comme de l’institution a été stigmatisé notre « système éducatif » : il engendrait des inadaptés, irrespectueux et violents, alors même que c’est ainsi qu’ils étaient arrivés dans notre école, alors même que ces comportements y avaient trouvé leur apaisement. »